Le name and shame pour faire progresser l’égalité femmes-hommes
Rencontre avec Marie Donzel, fondatrice de Donzel & cie, cabinet de conseil en innovation sociale
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La pratique du « Name and shame » peut-elle faire progresser l’égalité professionnelle ?
Le name and shame, que l’on peut traduire par « nommer et faire honte », consiste à révéler publiquement le nom d’une personne ou d’une entreprise pour porter atteinte à sa réputation. Sur le sujet de l’égalité professionnelle, cette pratique me parait utile pour contraindre les entreprises à respecter la loi. Car le paiement d’une simple amende n’est pas un enjeu pour une entreprise. En revanche, naming and shaming impacte sa réputation, capital immatériel de toute entreprise. Et les entreprises veulent éviter de prendre le risque d’entacher leur réputation, d’autant que le coût réputationnel s’avère difficile à quantifier. On se souvient en 2010 de l’appel au boycott lancé contre la marque Guerlain en réaction aux propos tenus par un membre de la famille.
Vous avez-vous-même participé à une action de « name and shame ». De quoi s’agissait-il ?
En effet ! En septembre dernier, suite à une demande du cabinet de Marlène Schiappa, j’ai animé une demie journée de formation sur la mixité et l’égalité professionnelle. L’idée était d’exercer une pression constructive sur les entreprises les moins vertueuses sur ces questions. Dirigeants et directeurs de ressources humaines des dix dernières entreprises du baromètre Ethics and Board sur la féminisation des grandes entreprises du SBF 120 ont été conviés. Et il avait été annoncé en amont que celles qui ne répondraient pas à l’invitation seraient nommément citées. Seules deux entreprises ne sont pas venues : Sartorius Stedim Biotech et Maurel & Prom.
Quels ont été les enseignements de cette formation ?
Tout d’abord, j’ai eu en face de moi des participants de bonne volonté, parfaitement disposés à améliorer leurs pratiques en matière d’égalité et de mixité. Ils ont par aileurs fait part des problèmes inhérents à leurs secteurs d’activités sur le sujet. Il est difficile par exemple pour une entreprise recourant à 80% d’ingénieurs de parvenir à la mixité quand les femmes représentent moins de 20% des ingénieurs. Au final, l’attractivité des métiers et la mixité des secteurs ne peuvent être du seul ressort des entreprises.
Il a également été souligné que les critères du classement peuvent être trompeurs. Ces critères s’appuient pour partie sur la loi Copé-Zimmerman de féminisation des instances dirigeantes votée en 2011. Cette loi stipule que les conseils d’administration des entreprises cotées doivent être composées à partir de 2017 au minimum de 40 % de femmes. Certes, les conseils d’administration ont été féminisés, mais aux étages inférieurs, la situation n’a pas vraiment évolué ! Du coup, les entreprises représentées ce jour-là étaient peut-être plus vertueuses en matière de mixité et d’égalité que ce que suggère le classement.