Améliorer le parcours médico-judiciaire des victimes de violences
Rencontre avec le Pr Gilles Tournel, Chef du service de médecine légale au CHU de Rouen et le Dr Sophie Thureau, responsable EMHAVi - Médecine légale Urgences Elbeuf
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Pourquoi vous êtes-vous engagés dans l’accueil des victimes de violences ?
En tant que médecins légistes, nous cherchons sans cesse à améliorer la prise en charge des victimes. Il y a plusieurs décennies, concernant les victimes d’agressions, le corps médical rédigeait des certificats médicaux descriptifs, tandis que les médecins légistes se consacraient à la thanatologie et la médecine légale des personnes décédées (autopsies). Des consultations de médecine légale pour les victimes vivantes ont alors émergé, au sein du territoire français, par la bonne volonté des services de médecine légale de certains CH et de certains CHU et de la justice.
Dès 2007, le Pr Proust, précurseur dans ce domaine, a mis en place au sein du CHU de Rouen le Centre d’Accueil Spécialisé pour les Agressions (CASA), équivalent des Unités Médico-Judiciaires (UMJ), en lien avec le CHU de Rouen, les autorités judiciaires, la préfecture, l’Agence Régionale d’Hospitalisation et le Département. Cette unité a été créée pour faciliter et élargir la prise en charge des victimes. L’objectif était de travailler au sein d’une structure dédiée, en un seul lieu, consacrée à la prise en charge des victimes de tous types de violence et de tous âges.
Ce fonctionnement associait la participation d’ une assistante sociale, d’une infirmière, d’une psychologue et de médecins légistes. La réforme nationale de la médecine légale mise en place en 2011 a permis, notamment, de délivrer un budget propre, fonction de l’activité médico-légale, pour financer le fonctionnement des structures de médecine légale de référence dans les CHU (Unité Médico-Judiciaire et Institut de Médecine Légale).
Quels ont été vos succès ? Vos obstacles ?
La prise en charge des victimes en un seul lieu dédié a facilité leur accompagnement. En 2007, le CHU de Rouen comptabilisait 1 000 consultations en médecine légale. Ce nombre a été multiplié par 4 l’année suivante avec la création du CASA ! Cette prise en charge peut s’accompagner d’une hospitalisation de courte durée pour héberger et protéger, par exemple, les victimes de violences conjugales. Aujourd’hui, le CASA de Rouen est une référence en la matière.
Les obstacles ? Auparavant, il fallait trouver des interlocuteurs dans le monde judiciaire et hospitalier prêts à s’impliquer dans la prise en charge des victimes d’agressions et à travailler en collaboration avec les services de médecine légale. Au fil du temps, la prise en charge de ces victimes tend à devenir une priorité tant pour la médecine légale que pour la justice. La réforme de la médecine légale a permis d’asseoir ces habitudes de collaboration et de mieux les ancrer. Dorénavant, notre travail est mieux identifié et reconnu.
Vos trois conseils à celles et ceux qui souhaitent développer des projets similaires ?
Il faut privilégier l’accueil et l’écoute, en tenant compte des besoins spécifiques des victimes. Le médecin légiste doit pouvoir collaborer avec des médecins d’autres spécialités et avec d’autres professionnels de santé (infirmière, psychologue, assistante sociale) participant à la prise en charge des victimes. Le service de médecine légale doit pouvoir s’ouvrir à l’extérieur de l’hôpital et savoir travailler en réseau avec diverses associations d’aide aux victimes. Le service de médecine légale est à l’interface de la justice et de la médecine. Il est essentiel de travailler en équipe. Pour le médecin légiste seul, maillon indispensable de cette chaîne que représente la prise en charge des victimes, la tâche est impossible.
CASA, un refuge pour les victimes d’agressions
Le Centre d’accueil spécialisé pour les agressions (CASA) du CHU de Rouen est un lieu de prise en charge pluridisciplinaire regroupant médecin légiste, assistante sociale et psychologue. Il accueille en un lieu unique les enfants et les adultes victimes de violences volontaires et involontaires, pour un parcours médico-judiciaire facilité.