Discours d'Isabelle Lonvis-Rome : présentation du Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine 2023-2026

Le 30 janvier 2023

Publié le | Temps de lecture : 6 minutes

Isabelle Lonvis-Rome : présentation du Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine 2023-2026

Discours de Madame Isabelle Lonvis-Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. 

Seul le prononcé fait foi
 

Mesdames et messieurs les ministres, chers collègues,
Monsieur le Premier ministre, cher Jean-Marc Ayrault,
Monsieur le ministre, cher Jack Lang, qui nous faites l'honneur de nous accueillir à l'Institut du monde arabe,
Madame la défenseure des droits, chère Claire Hédon,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs en vos grades et qualités,

Cette année, ils ont été un million deux cent mille à se taire.

Un million deux cent mille à subir des insultes, des discriminations, des actes racistes ou antisémites, et à ne pas déposer plainte. Un million deux cent mille, c’est la population du Val d’Oise.

Un million deux cent mille, ce sont autant de femmes, d’hommes et d’enfants qui sont marginalisés, exclus, empêchés, raillés, violentés en raison de leur couleur de peau, origine, religion.

Ce sont autant de femmes et d’hommes obligés de changer leurs enfants d’école, de déménager, avant d’en venir à douter de leur présence en France, leur pays, tant les intimidations, la crainte, les agressions sont devenues invivables.

C’est à elles, c’est à eux que ce plan s’adresse. C’est à toutes et tous que ce plan s’adresse.

Ce plan, vous venez de le découvrir. Il est une réponse concrète à ce qui fait la honte de notre Nation. C’est le geste rassurant d’une République qui leur dit qu’ils doivent garder la tête haute. C’est aussi, et surtout, un avertissement aux auteurs de ces actes nauséabonds : nous ne transigerons pas.

Ce que nous réaffirmons, avec ce plan ambitieux, c’est qu’ici, sur le territoire de la République, chacun jouit des mêmes droits. Quelles que soient son origine, sa culture, sa religion ou sa couleur de peau. Il nous faut le répéter pour que personne ne perde foi en la République, en notre destinée commune.

Car oui, nous avons une destinée commune, un contrat social à façonner et à respecter. C’est aussi cela, faire Nation.

Faire Nation, c’est prôner l’universalisme.

Un universalisme républicain, et donc humaniste.

Pas un universalisme dévoyé.

Pas l’universalisme conquérant, qui veut que chacun se ressemble, qui nie l’existence d’un monde pluriel.

Les singularités sont broyées par cet universalisme-là, comme elles sont noyées dans le communautarisme assassin de nos valeurs.

L’universalisme auquel il nous faut aspirer est celui qui offre à chacun la dignité qui lui revient. Une société où chacun est l’égal de l’autre, comme le prône la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Car c’est bien sur l’État de droit que repose cet universalisme. Il nous faut être les garants de cet État de droit, le plus solide rempart contre la haine. Garants, aussi, de la liberté d’expression qui ne doit jamais piétiner la dignité humaine. NON, jamais la liberté d’expression ne sera prétexte à la haine raciste, antitsigane et antisémite. Tolérance zéro.

Et c’est mon rôle, en tant que ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, de piloter cette politique ambitieuse de lutte contre le racisme, l’antisémitisme, l’antitsiganisme et les discriminations liées aux origines.

Parce qu’il est inenvisageable de laisser au hasard cette question essentielle pour tous, le suivi de ce plan sera extrêmement scrupuleux. La mise en place de ces mesures sera contrôlée rigoureusement et l’ensemble des acteurs concernés seront réunis deux fois par an sous ma présidence.

Un rapport d’étapes sera dressé en 2025.

Parce que la notion d’égalité est aussi géographique, en l’hexagone, comme dans les outre-mer : aucun territoire de la République ne sera oublié.

Personne, dans la mise en place de ce plan, ne devra se sentir laissé pour compte. J’y veillerai. Je resterai à l’appui des autorités locales qui auront à décliner ces mesures, et sillonnerai le pays pour le porter à leurs côtés.

La lutte contre le racisme, l’antisémitisme, l’antitsiganisme et les discriminations liées aux origines doit d’abord concerner notre jeunesse. En ouvrant des écoles, nous fermerons des prisons, pour paraphraser Victor Hugo. C’est en formant des citoyens conscients et responsables que nous nous débarrasserons de ce mal dont notre société souffre depuis trop longtemps. La transmission mémorielle en est la clé. C’est pourquoi, plusieurs mesures ciblent l’éducation de tous les enfants et adolescents, et la formation de ceux qui les encadrent. Parmi les mesures ambitieuses qui vous ont été présentées, la visite d’un lieu de mémoire à destination des plus jeunes est essentielle. C’est par la connaissance de l’Histoire que l’on évitera la répétition des heures les plus sombres de l’humanité. Pour lutter aussi contre les stéréotypes liés à l’antitsiganisme, un travail mémoriel sera élaboré autour de l’Histoire des populations Roms et des Gens du voyage.

L’Histoire alerte trop souvent le présent.

Rien n’est plus éloigné que le jour passé ; et rien n’est plus proche que le jour qui vient.

Il est aussi impératif de ne jamais céder à la banalisation du racisme de l’antisémitisme et de l’antitsiganisme. À ce propos, Charles Péguy écrivait « Il y a quelque chose de pire qu’une âme perverse, c’est une âme habituée ».

Les discours haineux que certains proclament fièrement sur des plateaux de télévision comme s’ils étaient respectables, dans des vidéos sur internet à plusieurs millions de vues, dans des livres à gros tirage ou pendant une campagne électorale ne doivent pas devenir une habitude, une sale habitude.

Nous ne pouvons être la nation qui a fait entrer Simone Veil au Panthéon, tout en banalisant de tels propos. La politique est un combat, la haine n’y a pas sa place.

Nous devons actionner une implacable machine judiciaire à l’encontre des auteurs de tous les actes nauséabonds, délictuels voire criminels. Il est de notre devoir de nous montrer intraitables avec ceux qui sèment le poison du racisme, de l’antisémitisme et de l’antitsiganisme. On ne joue pas impunément avec la haine. Parce que la haine a tué, parce qu’elle tue encore.

Je l’ai dit, l’éducation est le premier outil à notre disposition pour éradiquer ces fléaux. Le second est le traitement judiciaire.

Nous devons renforcer la confiance des citoyens dans les institutions de la République.

La Justice est une réponse clé au racisme, à l’antitsiganisme et à l’antisémitisme.

C’est pour cela que la prise de plainte sera améliorée, les forces de l’ordre seront outillés pour mieux qualifier les faits, les peines seront exécutées pour que les auteurs condamnés ne pensent plus pouvoir y échapper en fuyant à l’étranger. Le sentiment d’impunité doit cesser.

Vous l’aurez compris, la lutte que je mène depuis de nombreuses années, c’est celle-là. Et chaque jour, j’en suis persuadée, nous gagnons du terrain. Chaque jour que vit la République, la haine recule d’un pas. À chaque fois qu’un propos raciste ou antisémite est dénoncé, à chaque fois que l’auteur d’une agression raciste, antitsigane ou antisémite est sanctionné, notre société se soude un peu plus.

Les racistes, les antisémites, les antitsiganes, ceux qui distinguent les êtres selon ou en raison d’une couleur de peau, d’une religion, ou d’une nationalité, sont nos ennemis les plus redoutables. Ils sont les ennemis de la République.

Lorsque je pense à cet ennemi commun que nous avons, ce sont souvent les mots de Tahar Ben Jelloun, dans Le racisme expliqué à ma fille qui s’imposent à moi. « Très souvent, le raciste s'aime beaucoup. Il s'aime tellement qu'il n'a plus de place pour les autres, d'où son égoïsme ».

C’est ce qui fait que nous gagnerons cette bataille : nos coeurs républicains, eux, ne manqueront de place pour personne.

Je vous remercie.

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